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Citations
Touche moi !
Voilà l’année qui s’achève. Les journaux publient les rétrospectives sur fond de larmes, de guerre, de bombes, d’accidents, de misère et d’exploits sportifs ou cinématographiques. par Huguette Dreikaus
J’aurais pu vous parler des événements marquants de mes douze derniers mois, comme un regard en arrière. Vous auriez pu lire alors mon désarroi par rapport à toutes ces machines auxquelles on se heurte quand il s’agit de prendre un billet de train, un peu d’argent liquide ou un remboursement de la sécurité sociale.
Vous auriez dit « elle a raison » si je vous avais parlé de ces violences commises lors d’effractions dans nos maisons, où on s’attend à trouver un havre de paix. Je vous aurais fait rire avec la nouvelle organisation de la Poste où il faut un ticket A pour avoir le droit de prendre un ticket B et où le prix d’envoi d’un CD de 10 euros atteint 14 euros.

Ce froid qui m’a ramenée
en des temps heureux
Je vous aurais estomaqués si je vous avais révélé que j’ai perdu au moins un milliard d’euros pour ne pas avoir cherché la fortune d’un roi africain déchu en Suisse et ne pas avoir répondu à un SMS où on me demandait mes coordonnées bancaires pour pouvoir me faire un virement au montant aussi élevé que la moitié de la fortune de l’émir de Dubaï. Mais je ne vous dirai rien de tout cela. A cause du froid, ce froid qui m’a ramenée en des temps heureux. Si, c’est possible ! Ne dit-on pas « rafraîchir » la mémoire ? L’hiver ? Ce sont ces paysages sublimés par la neige. Ce sont ces arbres lourds de givre qui soulignent l’horizon. C’est toute la douceur du monde. Oooohh ! Qu’il est bon de se glisser dans des draps molletonnés ! Et puis tous ces rituels ! Ces moments bénis où maman me touchait ! Elle me mettait de la « triwelpommade » (baume contre les gerçures) sur les lèvres. Elle plantait de l’ouate dans les oreilles. Elle m’enduisait de crème avec précision et douceur. Elle frottait ma poitrine de graisse d’oie chaude. Quand je rentrais du dehors, elle me frottait les mains et soufflait dessus, elle me frottait les pieds aussi. La chaleur du contact. Cette chaleur que je cherchais aussi quand je dormais avec ma petite soeur que je suivais dans ses mouvements pour ne pas perdre une calorie de ses 37°.

Ce sont des gestes
de survie
Le froid nous réunissait dans des gestes de tendresse. Ce toucher nous rassurait. Se faire frictionner le dos, les mains, c’est le pied ! Beaucoup laissent ce soin aux esthéticiennes car la tradition tactile se perd ! On ne se touche plus. On ne se donne plus la main pour monter dans les salles de classe. Les filles ne se baladent plus bras dessus bras dessous en riant. On triture son sac, son portable, son I-pod. Dieu que c’était beau de se faire tenir le bout du nez (pour soi disant le voler), se faire pincer les joues, se faire tirer les oreilles, de sentir deux mains vous cacher les yeux et s’entendre dire « c’est qui ? » Ce sont des gestes de survie. Maman, reviens ! il fait froid !