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Citations
L’apaisement par le cornichon

Tout moment de la vie peut déclencher des réflexions métaphysiques. Et une visite à l’hypermarché peut procurer la plus féérique des évasions. Par Huguette Dreikaus

Pourquoi les hommes sont-ils de moins en moins poilus alors que les écoles forment de plus en plus de spécialistes de l’épilation ? Pourquoi faut-il maigrir quand on est en bonne santé et grossir quand on est malade ? Pourquoi les embouteillages s’arrêtent-ils en trois secondes alors qu’ils durent depuis deux heures et qu’on a toujours le même nombre de voitures devant soi ? Pourquoi les retraites diminuent-elles quand l’essence augmente ? Pourquoi la neige est-elle chère dans les stations alors qu’elle ne coûte rien quand elle tombe dans mon jardin ? Pourquoi n’y a-t-il pas un vaccin contre la connerie et la méchanceté, qui font pourtant plus de ravage que la variole ?

Comment se vider la tête de toutes ces interrogations, de tout ce désespoir ? C’est simple : faites un tour à l’hypermarché ! La contemplation de l’opulence y tient de la féerie. Il paraît qu’un des enfants ukrainiens venus en été de Tchernobyl a perdu connaissance entre les rayons d’une grande surface ! Trop de choses à voir, trop d’émotions à la vue de ce Schlaraffenland, ce pays de cocagne où tant de rêves peuvent se réaliser.

Un monde
de créativité
J’ai parcouru les rayons, les yeux écarquillés et admiratifs devant ce monde du « alles möglich » (où tout est possible). Se promener dans un hyper, c’est un voyage. Un voyage psychédélique entre couches-culottes, grands crus, CD à peine sortis des presses et cornichons. J’ai soigné mes chagrins par la contemplation des cornichons. Des gros, des rachos, des longs, des courts, au vinaigre banc, au vinaigre brun, aux aromates, aux échalotes, au fenouil, posés à la verticale, posés à l’horizontale, avec ascenseur, sans ascenseur, dans un bocal récupérable pour faire des confitures ou dans un bocal à verre perdu. Le cornichon a son monde, un monde de créativité où des dizaines de milliers de gens trouvent une possibilité de gagner leur pain. Il y a celui qui plante le cornichon et le cueillera au moment précis où il aura le calibre requis pour entrer dans une des catégories de vente du cornichon : vous avez le cornichon Adriana Karembeu et le cornichon Balasko. Une fois le cornichon récolté, entrent en scène les « nez », ceux qui choisissent les ingrédients de la marinade. Puis viennent les experts du packaging. Peut-être même y a-t-il une recherche fondamentale sur le cornichon, avec des chercheurs qui scrutent les cellules du cornichon pour y trouver des vertus thérapeutiques et des molécules de senteur pour parfumer la charcuterie : « jambon, goût cornichon », ou « pain goût cornichon ».

Un secret pour rêver
Au fil de mon observation des cornichons, mon esprit s’est envolé loin des considérations sur la misère humaine en général et la mienne en particulier. Je me suis retrouvée au pays de Corni. Corni mon ami, qui m’a laissé ce message extrait d’une chanson de Candy neige : « On est moins triste dans la vie On est moins solitaire Quand dans son coeur on a trouvé Un secret pour rêver ». Suivez mon conseil, évadez-vous dans les hypers. Faire vos achats sera une façon d’oublier vos tracas. Comme dirait Confucius, « pousser un chariot, c’est aussi une façon d’avancer dans la vie ».